samedi 17 mars 2007

Gens d’hier et lieux d’histoire: les négligés de la culture

[Opinion]


« L’histoire locale intéresse peu de gens. »

Cette phrase provocante, je l’avais entendu à quelques reprises de la bouche d’une personnalité pourtant très active dans la mise en valeur de la « petite histoire ». Avec le temps, malgré mon désaccord initial, j’ai fini par admettre que cette personne avait en partie raison.

Le public québécois est-il intéressé à la petite histoire, celle de ses familles, de ses paroisses, de ses anciens villages et des petites villes d’autrefois ? On peut difficilement répondre par la négative quant on le voit participer aux fêtes anniversaires de villages, ou quant il parcourt les circuits patrimoniaux de sa région. Nombreux sont les auditeurs d’émissions de télévision comme le Québec de Jean-Claude (canal Historia), les lecteurs de romans historiques, et encore plus nombreux ceux et celles qui travaillent à leur généalogie familiale; pour ces trois derniers exemples, on notera qu’il s’agit d’activités qui se réalisent souvent en solitaire, et nous y reviendrons plus loin.

En région, plusieurs sociétés d’histoire connaissent, ont connu ou craignent de connaître des difficultés au plan de la participation, autant celles des membres que celles du public, à leurs activités. Manque de ressources, rareté des bénévoles, absence de local adéquat, faible présence aux conférences, la liste est longue. Parc contre, quelques sociétés ont le vent dans les voiles, et souvent leur succès est dû en partie à des éléments rassembleurs; l’exemple de St-Roch-de-L’Achigan est à souligner à cet égard.

Pourtant, dans d’autres champs de la culture, des organisations bien rodées démontrent de francs succès. Prenons l’exemple de Lanaudière : son Festival de musique, son Musée d’Art de Joliette, le Théâtre Hector-Charland.à L’Assomption.

Trois éléments paraissent expliquer cette divergence entre l’histoire et les autres champs culturels :

1- La dynamique rassembleuse: c’est-à-dire lorsque des groupes de personnes sont mises en lien à la faveur de célébrations ou d’activités de groupe à teneur historique sur des thèmes d’intérêt commun.

2- Un leadership enthousiaste : des organisateurs motivés et soutenus par le contexte des activités à réaliser, dont l’attrait et la demande publique compense pour le prix du bénévolat à donner; à l’inverse, des programmes d’activités mal ciblés éloignent les bonnes candidatures au leadership.

3- Un modèle de gestion adapté à la société moderne : on trouve de moins en moins d’ « historiens missionnaires » qui se consacrent en solitaires ou en groupes fermés à l’administration des sociétés d’histoires performantes. La gestion de ces organismes doit aujourd’hui s’appuyer sur de le marketing, l’organisation des ressources humaines et la gestion financière.

Comment donc intéresser nos gens à l’histoire, s’il n’y a pas « fête au village »? Et s’il y en a une bientôt, où trouver les historiens locaux, et les bénévoles ? Comment créer une dynamique rassembleuse dans la continuité, au-delà des événements ponctuels à célébrer ? Comment dénicher les leaders capables de gérer les sociétés d’histoire?



Un concept à explorer : les ateliers d’histoire

Il va de soi que des peintres amateurs aiment aussi à visiter des musées ou des expositions de peinture. De même les praticiens de la musique iront volontiers aux concerts de festivals. La même approche ne pourrait-elle favoriser la dynamique des sociétés d’histoire? Ne faudrait-il pas initier plus de gens à la recherche, les réunir périodiquement pour les former, leur faire partager leurs découvertes, organiser des visites de musées en groupe?

Comme pour d’autres arts, la recherche en histoire s’apprend sans nécessairement passer par l’université. Elle se pratique comme loisir individuel, mais peut fort bien se pratiquer collectivement, et déboucher sur des projets collectifs.

De tels ateliers, bien ancrés dans leurs localités (car l’attachement à sa paroisse, son village, son quartier est un élément rassembleur) favoriseraient par ricochet la diffusion d’infor-mations historiques et la création de « produits » culturels en histoire. Et ce serait sans doute aussi une bonne source de bénévoles, dont ces leaders si rares dont il était question plus haut.

Qui d’autres que les directeurs municipaux de loisirs culturels pourraient le mieux évaluer les possibilités de ce concept?


Claude Ferland
Recherchiste en histoire



Peinture: Terrebonne peint le 26 Oct. 1810 (Heriot, George (1759-1839)
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5 commentaires:

LeBoiteux a dit...

Si des tables d'Ateliers d'histoire se forment dans la région quel est alors le rôle de la Société d'histoire vis à vis ces Ateliers et quel est le rôle du CRAL alors?
Les membres de ces Ateliers devront ils payer une cotisation au CRAL et en même temps à la Société d'histoire...???

LeBoiteux

Le Lanaudois a dit...

Les sociétés d'histoire ainsi que le CRAL rassemblent des collections représentatives de leur milieu.

Les ateliers auraient pour leur part la responsabilité de conseiller les gens dans leurs recherches. Des chercheurs ayant plus d'expériences dans le domaine pourraient ainsi accompagner des novices en la matière. Ces personnes seraient trouvées et formées au sein même de chaque ville et village.

De fil en aiguille, la demande dans le secteur historique serait en hausse. La production de matériel historique lanaudois serait de plus en plus importante. Le réseautage serait plus facile.

Ainsi mieux outillés, ces nouveaux venus fréquenteraient de plus en plus le CRAL et les sociétés historiques locales.

C'est tout les acteurs qui seraient gagnants.

En fait, je crois que la Société de généalogie de Lanaudière a mis en application ce principe. Voilà ce qui explique sa réussite.

Pour ce qui est des cotisations, pourquoi n'existerait-il pas une carte de membre pan lanaudoise...

N.B. Je ne dénigre aucunement le travail des société d'hsitoire ainsi que celui du CRAL. Cependant, je crois que les ateliers pourraient être un pont entre les personnes qui débutent en la matière et ces organismes.

Anonyme a dit...

Les ateliers d'histoire ne sont pas des entités incorporées; il s'agit d'une façon de travailler, et chauqe Société d'Histoire devrait avoir le sien.
On peut envisager que les participants comprennent aussi des gens qui ne sont pas membres de SH , pour garder la porte ouverte la plus grande possible. Qu'en dites-vous?

Le Lanaudois a dit...

Les ateliers d'histoire permetteraient d'inicier plus de gens. Elles seraient une sorte de porte d'entrée vers les entités officielles que sont les SH, le CRAL, le musée d'art de Joliette...

Unknown a dit...

Le concept des Ateliers d'histoire est une avenue à explorer. Il s'agirait en quelque sorte de cours spécialisés, à la manière de ce qui se fait via le Conseil de la culture de Lanaudière (cf.le répertoire des cours donnés à chque session). La différence avec de ce peut se faire dans le sillon du Conseil de la culture ou de l'Université du 3e âge, ce serait le fait de "localiser" les cours. Et évidemment de travailler à partir d'un nouveau créneau: il s'agirait non pas de donner des cours d'histoire régionale, non pas d'aider les gens à faire leur généalogie familiale, mais bien bien d'aider les gens à faire eux-mêmes de l'histoire, en intégrant les facettes historiques, généalogiques et familiales. Et ce en fonction des sujets qui les intéressent. Une véritable initiation à la recherche, en somme. Reste à déterminer le parrainage, d'où l'idée lancée par C. Ferland de faire entrer dans la danse les municipalités, dans les division des loisirs et de la culture. L'Atelier pourrait être en lien direct avec la Société d'histoire locale, qui pourrait par la suite établir un programme de présentations des résultats des chercheurs impliqués dans les Ateliers...